À Fort-de-France, le maire revendique un « retour au vert » des finances municipales, l’opposition reste prudente
Le vote du compte administratif 2024 et du budget primitif 2025 marque, selon Didier Laguerre, une inflexion majeure dans la trajectoire financière de la ville. L’opposition, elle, s’interroge sur la solidité de cette embellie.
Lors du conseil municipal du 11 mars, la majorité municipale a annoncé une nouvelle qu’elle présente comme historique : pour la première fois depuis plusieurs années, les finances de Fort-de-France sont repassées dans le vert. Le compte administratif 2024, adopté à la majorité, affiche un excédent de 4,812 millions d’euros, et le budget primitif 2025 est voté à l’équilibre. Une respiration bienvenue, dans une ville longtemps engluée dans les déficits.
« C’est le fruit d’un plan de redressement rigoureux initié dès 2020 », affirme Didier Laguerre, maire de Fort-de-France (divers gauche), qui revendique une stratégie financière fondée sur la maîtrise des dépenses plutôt que sur l’austérité aveugle.
« La Chambre régionale des comptes préconisait des mesures drastiques comme une augmentation annuelle de 10 millions d’euros des impôts ou la suppression de centaines d’emplois municipaux. Nous avons refusé ces options. »
500 départs à la retraite non remplacés
La stratégie retenue repose sur un gel des recrutements : plus de 500 départs à la retraite n’ont pas été remplacés entre 2020 et 2023. « Je n’ai supprimé aucun poste, précise Didier Laguerre. Il s’agit de non-remplacement, ce qui n’est pas la même chose. » À cela s’ajoute une amélioration des recettes et une rationalisation des charges, illustrée notamment par la réduction drastique des délais de paiement aux fournisseurs : de 235 jours en 2022 à 48 jours fin 2024.
La signature du Contrat de redressement en Outre-mer (COROM), renouvelé pour la période 2024-2026, est présentée comme un levier clé de consolidation. « Ce contrat avec l’État nous permet de sécuriser le retour à l’équilibre et d’assurer la soutenabilité de notre trajectoire », affirme le maire.
Reprise des investissements
Le retour de marges de manœuvre permettrait à la ville de relancer plusieurs chantiers jusqu’ici gelés : réfection de la voie Langellier-Bellevue, réhabilitation de l’îlot Fontaine-Gueydon ou encore aménagements dans le quartier de Canal Alaric. « Nous payons nos charges mensuellement et disposons de trois mois de trésorerie d’avance. C’est un changement fondamental », assure Didier Laguerre, qui se félicite également de l’intérêt croissant d’investisseurs pour le centre-ville. « Plus de 500 personnes ont participé à nos réunions d’information récentes. On assiste à une mutation profonde du centre-ville. »
Une opposition sceptique : « Un équilibre fictif »
Si la majorité se félicite de cette embellie, l’opposition, elle, reste sur ses gardes. « Cet excédent a été obtenu dans la douleur, déplore Michel Branchi, conseiller municipal du groupe Fok Sa Chanjé Fodfwans. Ce sont les Foyalais qui ont payé les erreurs de gestion passées. » L’économiste pointe les mises en garde de la Chambre régionale des comptes et s’inquiète de la sincérité du budget 2025 :
« Il est totalement fictif. On y inscrit des dépenses sans avoir de garanties claires sur les recettes. »
Même prudence du côté de Nathalie Jos, élue de l’opposition citoyenne Lyannaj pou lévé Fodfwans :
« Nous saluons ce retour à l’équilibre, mais il ne doit pas masquer les défis de fond : précarité, insécurité, déclin démographique, urbanisme en souffrance. Un redressement budgétaire ne garantit pas un développement durable. »
Les oppositions s’accordent toutefois sur un point : la ville a besoin d’un nouveau souffle, et celui-ci ne viendra qu’avec un projet collectif. « Il faut co-construire avec les habitants, avoir du courage politique et proposer un modèle plus juste et plus résilient », conclut Nathalie Jos.