Depuis le rachat d’Elon Musk, Twitter a perdu de nombreuses plumes. Mais faut-il quitter la plateforme pour autant ? Nous avons demandé l’avis de plusieurs experts du domaine. Par www.blogdumoderateur.com – Photo : © sdx15 – stock.adobe.com

Un an après le rachat de Twitter par celui dont on prononce trop de fois le nom, l’heure est au bilan. La « belle époque » de Twitter est-elle dernière nous ? L’expérience s’est dégradée sur la plateforme au fil des mois, mais à quel point ?Est-elle condamnée pour autant ? Les alternatives comme Bluesky ou Threads peuvent-elles être à la hauteur des attentes des Twittos aguerris ? Pour répondre à ces interrogations, nous avons tenu à donner la parole à des experts présents sur Twitter depuis de nombreuses années : Frédéric Cavazza, Fabienne Billat, Jonathan Chan et Emilie Marquois. Place au décryptage !

L’ADN de Twitter mis à mal au profit de l’abonnement payant

Le changement d’identité fût abrupte pour Twitter (et ses utilisateurs !). En un claquement de doigts, l’oiseau bleu emblématique de la plateforme fût remplacé par un simple X noir. Au fil des mois, les fonctionnalités autrefois gratuites sont devenues exclusives aux abonnés payants à l’instar du badge bleu de certification. Elon Musk envisage même désormais de faire payer le droit d’entrée aux nouveaux inscrits.

Fabienne Billat, experte en stratégie numérique, nous propose un premier état des lieux : « Que ce soit orienté sur l’organisation de l’entreprise (suppression des équipes de modération), sur le business model (création de 3 types d’abonnements payants), sur le design (liens url des médias intégrés dans le visuel) ou directement sur les fonctionnalités, l’objectif d’Elon Musk semble d’épurer X, au détriment de la désidérabilité et de la fidélité de la communauté, privilégiant les utilisateurs payants. »

L’expérience des utilisateurs pâtit des changements d’algorithme, comme le souligne Jonathan Chan, créateur de contenu B2B : « Selon moi, la principale grogne se situe sur la baisse de l’expérience perçue du fil d’actualité avec le changement de l’algorithme où Elon Musk a souhaité recopier le modèle d’algorithme « For You » de TikTok en incluant de plus en plus de publications de personnes qu’on ne suit pas sur le fil d’actualité. Mais ce choix n’est pas payant sur X/Twitter parce qu’il ne dispose pas de la technologie avancée de TikTok et les utilisateurs se sont retrouvés avec des publications virales mais hors-sujet. »

Le manque de modération devient un problème majeur

Sans oublier la modération inexistante sur certains sujets comme nous l’explique très bien Frédéric Cavazza, expert en transformation digitale : « Le changement le plus notable est l’assouplissement des règles de modération et le retour de nombreux comptes d’ultra-droite qui avaient été bannis ou avaient fui la plateforme. Un authentique électrochoc pour une communauté qui s’était fortement politisée ces dernières années et qui penchait clairement à gauche. Le tout se faisant avec le style de management très brutal d’Elon Musk : des décisions arbitraires en fonction de son inspiration ou de son humeur qui sont implémentées sur le champ ! »

Ce manque de modération est également exposé dans une tribune du Mondepubliée le 23 octobre :  « La réduction significative des équipes de modération ne permet pas de réagir aussi diligemment qu’il le faudrait s’agissant de la suppression ou de la restriction des contenus qui contreviennent à la législation en vigueur dans l’Union européenne : désinformation, apologie du terrorisme, pédopornographie, incitation à la violence ou à la haine. » Ainsi, les utilisateurs de X sont appelés à engager une grève du tweet #notwitterday, le 27 octobre, dans le but de frapper un grand coup pour dénoncer les dérives actuelles.

Et la brand safety n’est plus garantie…

« Tous ces changements ne sont pas très rassurants pour les annonceurs qui ont besoin d’une plateforme stable d’un point de vue fonctionnel pour pouvoir planifier leurs opérations et campagnes, ainsi que d’un minimum de garde-fous pour éviter que les réactions et débats ne dégénèrent. » nous confie Frédéric Cavazza. Il met également l’accent sur la brand safety qui n’est plus assurée, venant mettre en danger la réputation des marques : « Très clairement, la brand safety n’est plus garantie sur Twitter, donc les annonceurs reportent leurs budgets publicitaires sur d’autres plateformes, mais conservent leur compte, car Twitter reste l’agora ultime : l’endroit où il faut lire et être lu. »

Résultat des courses : la plupart des grands annonceurs ont cessé de diffuser des publicités sur X (Twitter) comme nous le rapporte Business Insider cette semaine.

Threads, Bluesky, Mastodon : les rivaux qui ne rivalisent pas

Dans cette atmosphère parfois toxique, une question se pose : « Quitter X oui, mais pour aller où ? ». Cette année, la Twittosphère s’est bien sûr penchée sur les alternatives possibles. Sans résultats concluants pour le moment.

Emilie Marquois, consultante social media nous fait part de son expérience sur les alternatives à X (Twitter) : « J’ai déjà créé un compte sur Mastodon et sur Bluesky, en attendant d’en créer un sur Threads dès son arrivée en France. Je n’ai pas vraiment été séduite par Mastodon : complexe à utiliser, peu intuitif… et je m’y suis sentie très seule. Sur Bluesky, par contre, on est vite à l’aise du fait des multiples similitudes avec X. Il interpelle et a un côté séduisant, notamment parce qu’il va à l’essentiel et qu’il me fait revivre mes premiers pas sur Twitter aux côtés d’autres « anciens » comme moi. »

Twitter/X représente pour moi un choix par défaut par manque de concurrence crédible, résume Jonathan Chan.

Jonathan Chan partage son analyse sur le trio de tête : « Threads aurait pu remplacer X (Twitter), néanmoins son blocage en Europe a brisé sa dynamique, il est désormais peu probable que Threads connaisse une seconde chance. Pour Mastodon ou Bluesky, je ne crois pas que ce seront à terme des concurrents durables de X (Twitter) car de nombreuses fonctionnalités manquent à l’appel et que la promesse de la décentralisation n’est pas un élément primordial dans le choix de migration des utilisateurs. »

Si quitter X (Twitter) peut s’envisager, difficile de s’en détacher…

Frédéric Cavazza a bien été tenté aussi d’abandonner Twitter : « J’ai testé Mastodon, Bluesky ou Threads, mais les fonctionnalités ne sont pas au rendez-vous et surtout la portée des publications est ridiculement plus faible. »

Malgré tout ce que l’on peut reprocher à l’application, qui est polluée par les légions de haters et trolls de tout bord, Twitter reste la place publique de référence, celle où tous les avis et humeurs sont partagés. (Frédéric Cavazza).

Même constat pour Fabienne Billat : « J’ai testé quasiment tous les réseaux, jusqu’à Mastodon, Threads, mais j’adhère plus facilement à Bluesky qui prend peu à peu forme. Néanmoins X reste à ce jour la plateforme la plus prodigue en information de qualité, car les médias qui m’intéressent – sur les sujets économiques, d’innovation, sur le numérique – y sont tous actifs. »

Les utilisateurs de longue date ont aussi un certain attachement à la plateforme. Lorsqu’on lui demande si elle a songé à quitter X, Emilie Marquois répond : « Pas une seule fois. Peut-être que je changerai d’avis dans quelques mois/années ? J’ai une affection particulière pour cette plateforme sociale. J’y ai démarré mon activité d’indépendante et y ai construit des liens forts avec certains. C’est LA plateforme sociale que je préfère : échanges, discussions, veille, temps réel et le côté synthétique. »

De son côté, Jonathan Chan compte bien rester sur la plateforme mais souligne y passer moins de temps qu’avant : « Non, je n’ai jamais envisagé de partir de X (Twitter), néanmoins j’admets que mon temps passé sur le réseau social est en baisse par rapport aux autres années car les communautés dont je fais partie sont moins présentes et que je remarque un clivage accentué des conversations au détriment des échanges constructifs. » 

« Les grands comptes, les startups, les dirigeants et décideurs sont réactifs et accessibles en un seul message. De fait, ces profils n’ont pas déserté alors que des utilisateurs moins organisés, des veilleurs, en mode observation, ont en effet délaissé la plateforme. Cela peut aussi avoir un effet d’écrémage, pour une meilleure visibilité de l’information, pas si inutile ! »  analyse Fabienne Billat.

X (Twitter) restera t-il un média social incontournable ?

« Plus que jamais, Twitter est une plateforme sociale terriblement intimidante : celle où l’on peut se faire acclamer, ignorer, insulter, ou les trois en même temps ! Un média social incontournable et inestimable où l’on a vraiment l’occasion de faire société : partager, échanger, discuter, interpeller, se fâcher… Toutes ces interactions et comportements irrationnels qui caractérisent les humains. Espérons simplement que les robots et contenus synthétiques ne viennent pas gâcher ce joyeux bazar en aseptisant les débats », conclut ingénieusement Frédéric Cavazza.

Alors vous partez ou vous restez ? Faites nous part de votre avis en commentaire.

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