Source Novethic
Certaines maladies du passé que l’on croyait disparues en Europe ont resurgi au Royaume-Uni en raison de la précarité, notamment alimentaire. @Unsplash
Rachitisme, scorbut, … on pensait ces maladies tombées aux oubliettes, mais au Royaume-Uni, où le niveau de vie ne cesse de baisser, les médecins ont constaté ces derniers mois une résurgence de ces pathologies associées à la précarité.
“Pourquoi le retour des maladies de l’ère victorienne au Royaume-Uni inquiète les experts de la santé”. C’est le titre d’un article du journal britannique Guardian publié fin février. Notre confrère outre-Manche y fait état du retour sur le territoire de maladies que l’on croyait éradiquées à tout jamais en Europe, grâce à la modernité et l’avancée de la médecine. Pourtant les cas de scorbut et de rachitisme augmentent. La raison : l’appauvrissement de la population, en raison des coupes budgétaires dans les aides sociales et à la santé, ainsi que l’augmentation du coût de la vie. Environ un Britannique sur cinq vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Soit 14 millions d’individus.
Par conséquence, une partie de la population peine à se nourrir correctement. En 2022, 423 patients ont ainsi été hospitalisés au Royaume-Uni pour rachitisme, causé par une carence en Vitamines D ou en calcium, et 188 pour scorbut, en raison de la consommation insuffisante de fruits et légumes frais, garants d’un apport en vitamine C. Au total, près de 10 000 Britanniques ont été hospitalisés en un an pour malnutrition, soit quatre fois plus qu’il y a douze ans, précise le média anglais.
“La précarité alimentaire est un problème de santé publique”
Qu’en est-il en France ? Difficile à dire faute de chiffres. “Nous n’avons pas de surveillance sur le scorbut ou le rachitisme en France, et donc pas de données ou d’indicateurs à communiquer”, concède auprès de Novethic l’agence Santé Publique France. Mais il ne faut pas croire pour autant que ces maladies sont inexistantes sur le territoire national. “Il n’est pas rare d’être face à des cas de scorbut à l’hôpital”, nous explique le professeur Emmanuel Andrès. Selon ce chef de service de médecine interne à la faculté de médecine de Strasbourg, “vous avez dans certains services hospitaliers quasiment 40% des sujets âgés qui présentent des signes précurseurs de la maladie”.
Pour le Pr Emmanuel Andrès, “la précarité alimentaire est un problème de santé publique”. “Ces personnes n’ont en général pas accès à des aliments de qualité et lorsqu’ils achètent des fruits et légumes, ces derniers sont pauvres en vitamines puisqu’ils ont mûri en grande majorité dans des réfrigérateurs”, ajoute-t-il. Et une étude publiée le 26 février dernier par la Fédération française des banques alimentaires, premier réseau d’aide alimentaire en France, ne fait que confirmer ce lien entre difficultés économiques et sociales et vulnérabilité aux maladies. Dans le détail, 71% de leurs bénéficiaires déclarent au moins un problème de santé, 25% souffrent de maladies cardio-vasculaires, de surpoids ou d’obésité, et 15% sont diabétiques, contre 5% dans la population générale.
Vers la mise en place d’une Sécurité sociale de l’alimentation durable
Cette vulnérabilité aux maladies est en grande partie liée à la hausse du coût de l’alimentation avec une inflation galopante (+7,1% sur un an en 2023) où les produits essentiels n’ont pas été épargnés. En 10 ans, le prix du beurre a augmenté de 72%, celui des légumes frais de 72%, du lait demi-écrémé de 40%, des pâtes de 30%, de la viande (bœuf, volaille et porc) d’un peu moins de 30 %, quant aux œufs de 26 %, selon le dernier rapport au parlement de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Et ce choc inflationniste affecte principalement les jeunes, souvent étudiants, et les familles monoparentales, comme le note la Fédération des banques alimentaires. Ce qui n’étonne pas le Pr Emmanuel Andrès : “il est déjà difficile pour ces personnes de joindre les deux bouts, après avoir payé le loyer et les factures, il ne vous reste plus grand chose, vous économisez sur l’alimentation. C’est une réalité, il y a aujourd’hui un travail à mener pour privilégier le préventif au curatif et l’Etat doit s’en emparer”.
C’est pour cette raison que le mouvement “Riposte alimentaire” (anciennement Dernière rénovation) s’est emparé du sujet et a décidé de lutter contre la précarité alimentaire. “Les banques alimentaires sont surchargées, et un Français sur trois n’a aujourd’hui pas les moyens de se permettre trois repas sains par jour”, s’insurge auprès de Novethic, Till Van Elst, un de ses membres. C’est dans ce cadre que le groupe appelle à la mise en place d’une “Sécurité sociale de l’alimentation durable”, financée par un système de cotisations. Le but ? Permettre à tous d’accéder pour 150 euros à des produits conventionnés et sélectionnés sur des critères sociaux et environnementaux.
Testée par une centaine d’étudiants bordelais depuis six mois, la formule semble avoir fait ses preuves puisqu’elle s’apprête à être étendue à une centaine de foyers issus de quartiers populaires dès le 1er avril prochain, et ce pour au moins un an