Surnommée « Première Dame des Arts et de la Culture » de Saint Martin, Ruby Bute est peintre, conteuse, écrivaine et bien plus encore. Elle incarne en effet le combat pour les droits des femmes dans la Caraïbe pour lequel elle s’est engagée de plusieurs manières, notamment dans son œuvre poétique. Elle est une ardente « Fanm Doubout », passionnée par son île et par la Caraïbe. Pour tout cela et sans nul doute grâce à sa captivante aura, cette « grande dame » a reçu des honneurs prestigieux dont le titre de Lady de la Maison d’Orange-Nassau, Maison régnante des Pays Bas. Portrait.
C’est sa force tellurique, en même temps que sa bienveillance, le sang caribéen qui coule avec force dans ses veines, comme si elle incarnait sa lignée depuis les âges les plus anciens des peuples de la Caraïbe, qui captive au premier abord chez Ruby Bute. On sent dès le premier instant qu’on est en présence d’une grande âme incarnée pour être présente au monde aujourd’hui avec son héritage, œuvrant à une élévation des consciences…
“‘Art will be the medium to take us into discovery, adventure & independence – art makes our dreams come true’ – Ruby Bute”
Ruby Bute, est née en 1943 à Aruba de parents français originaires de Sint Maarten (partie hollandaise de l’île). Elle revient sur son île en 1976, dont elle devient une figure emblématique. Elle fut, par exemple, la première femme à y publier un livre, son recueil de poésie intitulé “Golden Voices of S’maatin” en 1989, a été un best-seller, vendant son premier tirage en trois mois. Ce qui lui a valu le surnom de “Première dame des arts et de la culture de Saint-Martin”. D’autres recueils ont suivi, dont le plus récent, “Reflections”, un recueil illustré par ses peintures, en 2021. Elle prépare actuellement un livre sur ses mémoires qui devrait sortir en mai prochain. Les nouvelles et la poésie de Ruby sont dédiées à la condition des femmes, en particulier les femmes afro-antillaises, le combat de sa vie dont elle parle avec détermination : « J’ai travaillé beaucoup pour la communauté et pour la femme. La condition des femmes dans le monde est différente selon l’endroit où l’on se trouve. Dans de nombreuses parties du monde les femmes souffrent et ont besoin de liberté et dans l’autre partie du monde nous avons la possibilité de choisir notre style de vie, mais il y a encore beaucoup à faire pour nous construire… A Saint Martin, la condition des femmes est libérale, elles sont très ambitieuses, elles portent leurs familles comme en Martinique et dans la Caraïbe. Elles travaillent beaucoup, elles sont mères, elles font tout, elles peuvent être artistes mais il faudra toujours œuvrer pour que les femmes trouvent réellement la liberté. »
« I am the sea, the deep blue sea. Do not underestimate my power… » Ruby Bute
Dès son plus jeune âge, Ruby s’est consacrée à la peinture, elle dit qu’elle peignait déjà bébé, documentant la vie et la culture de son île avec ses couleurs vibrantes. Principalement autodidacte, son travail s’apparente à l’art populaire. Les nombreuses peintures sur toile et panneaux de Ruby Bute représentent magnifiquement la riche culture et les habitants de l’île de Saint-Martin. Car, son environnement est une passion pour elle. Elle décrit ainsi sa peinture : « Mon inspiration est mon héritage, mon patrimoine, mon peuple, mes traditions, les gens de Saint Martin sont uniques et originaux, cela est mon inspiration. Et puis, la beauté de cette île, Saint Martin est unique, elle est réellement la plus belle île des Caraïbes. Quand je suis arrivée, j’ai vu ces montagnes et cette mer tout autour de moi et j’ai été captivée. ». Mais elle utilise également ce medium pour parler du combat des femmes, récemment, elle a pris pour sujet, l’esclave au sein coupée, One Titi Lokay, qui avait été punie pour avoir fui.
Très engagée dans la vie communautaire, elle dit qu’elle est toujours « très buzzy », l’artiste a enseigné la peinture aux enfants de Philipsburg. Elle a été la première à organiser des activités parascolaires pour les enfants des écoles élémentaires du pays. Elle a également enseigné l’art aux prisonniers et aux touristes pendant leurs vacances sur l’île.
« The sweet essence of life encircles me… » Ruby Bute
Ruby Bute travaille dans son studio chez elle à Friar’s Bay. Elle s’est installée sur la terre de ses ancêtres qu’elle a reçu en héritage et a construit sa maison au pied d’un grand fromager, un arbre important pour elle et qui l’inspire, on le retrouve parfois dans ses peintures. Auprès de lui, elle ressent et puise les forces de la Nature et du monde invisible, « La nuit au clair de lune, il fleurit parfois, on l’entend respirer, c’est un arbre magique, je l’aime. » dit-elle. Elle a créé à cet endroit sa propre galerie de peinture, où l’on peut découvrir son œuvre et parfois des expositions collectives. Elle y réunit des cercles de femmes artistes pour peindre, manger, échanger… « comme en famille », dit-elle.
Reconnue pour son engagement, Ruby Bute a été honorée à plusieurs reprises, recevant notamment un prix pour l’ensemble de sa carrière de la part de la Collectivité de Saint-Martin en 2004 et étant honorée par la reine Beatrix des Pays-Bas en 2005. Son tableau “185-Mile Winds”, illustrant les conséquences de l’ouragan Irma, a été exposé dans divers bâtiments officiels à La Haye en 2019. Des honneurs qu’elle a reçu « avec beaucoup de modestie » dit-elle. Également membre de la Maison d’Orange Nassau des Pays Bas, Lady Ruby Bute, est une figure respectée et influente dans la Caraïbe, connue pour son dévouement envers les arts, la culture et les droits des femmes.
Nathalie Laulé